Les Chroniques de Valentin

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août 2008

Chronique d'Adélaïde

C'est une longue succession de plaintes et de râles émanants de la chambre voisine qui nous mis en exergue ce soir-là. Alors que sur le port tout proche les marins criaient encore l'embarquement d'un quelconque bateau, la ville était déjà calme et sereine. Adélaïde, ma vieille amante, ma maîtresse méridionale, s'endormait doucement dans mes bras, bien loin des déserts glacés du nord de notre île, alors que toi, mon tendre amour, mon jeune amour, tu t'éveillais à ma conscience, serrée contre moi comme si ta vie en dépendait. Tes deux grands yeux d'azur sauvage me rappelaient (...)

Auto-considérations

Sous moi, la ville ronfle et mugit lentement, comme un vieil animal repu qui s'endort en prenant le temps d'apprécier les dernières lueurs d'une journée qui se meurt. Je pense à toi en écrivant à nouveau dans ces pages. Toutes mes nuits j'écris des poèmes à ton sujet. Dans mes songes ou dans mes éveils, j'écris sur le papier de mes pensées de doux mots dont tu n'aura jamais connaissance. Je fait la cour à une amante qui l'ignore totalement. Une situation un peu étrange, mais je n'ose te révéler, jour après jour, les mots que je t'offre dans le plus grand des secrets. Ecrire (...)

Pierrot

Quand il fait noir dans ma caboche Les soirs où tout est un peu moche Où même un sourire devient louche Où je brise tout ce que je touche Avis de vent devant ma vie Et les paupières en parapluie Y'a toujours min copain Pierrot Qui pose une main en haut d'min dos Et qui me dit dans un sourire... Quand j'sais plus où faut qu'on s'engage Que je tremble autant que j'orage Quand je recompte mes défauts Et les jours où je siffle faux Quand je me sens suant sale et seul Avec la gueule de traviole Y'a toujours min copain Pierrot Qui pose une main en haut d'min dos Et qui me dit dans un, (...)

Les gens heureux n'ont pas d'histoire

A peine rentré de vacances La réalité vous saute au nez Étrangement plus la vie ressemble à un roman Plus le roman s'éloigne de la vie On rêve ? pas tant que ça C'est une simple question d'habitude Le matin quand je me lève Je fais des bonds j'ai peur de mon ombre Parfois je change trois fois de T-shirt ou de veste Je suis sensible et j'en suis fier Maintenant elle s'inquiète Les drames on les a déjà vécus Quand on pense ne plus aimer On réagit comme des célibataires Voici une semaine importante : Pardonner ou ne pas pardonner Une affaire embarrassante (Diabologum, Une (...)

Le désarroi de la distance

Les corsaires débarquaient avec fureur et fracas. Ça criait et ça hurlait. Tout s'est déroulé très vite. Notre petit refuge s'est retrouvé pris dans la tempête. Coincés à fond de cale, nous avions comme compagnon le bruit sourd de la cargaison qui crissait lentement sur le bois de la coque avec les mouvements de l'océan. Au dehors, l'orage déployait d'inépuisables efforts pour nous faire chavirer. Notre avenir nous semblait, au mieux, incertain. Tu étais restée sur le pont et à chaque vague je tressaillait, t'imaginant emportée au loin. C'est alors qu'un cri exauça mes (...)

Entre toi et moi

Ce n'est pas toi qui m'as redonné l'envie d'écrire. L'envie de changer. Le désir de voyager. La fureur de vivre. Ce n'est pas pour toi que j'ai vu à nouveau le monde à ma façon. Ce n'est pas pour toi que ma vie va poursuivre sa voie. Ce n'est pas pour toi que j'ai écrit des chroniques d'Adélaïde. C'est pour moi. Pour mon plaisir. Pour mon égoïsme. Ce n'est pas pour toi. C'est pour ce sentiment soudain d'être amoureux, enfin, à nouveau. Ce sentiment d'être libre, que demain n'est pas à craindre. Cette brise qui me souffle de m'envoler. C'est elle qui me fait écrire, qui (...)

Liou

Profondément, elle se sent étrangère à toutes ces histoires d'exclusivité, de fidélité. Elle a plusieurs amis, elle ne se demande jamais lequel elle aime le plus. Elle ne comprend pas ces gens qui disent s'appartenir. Ca doit être une obsession propre aux mammifères. Les ancêtres des hommes vivaient dans des grottes, ils avaient peur de tout. On ne savait jamais s'ils allaient rentrer vivants de la chasse. Alors ils ont appris à s'accrocher les uns aux autres. Ils se refont des grottes préhistoriques dans leurs maisons, dans leurs mariages. Joann Sfar, L'homme-arbre, tome II, (...)