Chronique d'Adélaïde
C’est une longue succession de plaintes et de râles émanants de la chambre voisine qui nous mis en exergue ce soir-là. Alors que sur le port tout proche les marins criaient encore l’embarquement d’un quelconque bateau, la ville était déjà calme et sereine. Adélaïde, ma vieille amante, ma maîtresse méridionale, s’endormait doucement dans mes bras, bien loin des déserts glacés du nord de notre île, alors que toi, mon tendre amour, mon jeune amour, tu t’éveillais à ma conscience, serrée contre moi comme si ta vie en dépendait. Tes deux grands yeux d’azur sauvage me rappelaient que la vie ne valait point d’être vécu si personne n’était là pour nous montrer, en un simple regard, toute sa valeur et sa richesse. Qu’ajouter de plus à ce regard qui transperce le coeur ? Je n’aurais de toutes manières rien pu dire car déjà tes lèvres me rendaient muet sous le velour de ton attention. C’est dans ces moments-ci que je pourrais devenir fou et céder à tout ce que tu pourrais me demander, des moments ou je suis la plus faible créature au monde, le plus frêle des esclaves qui s’inclinent juste pour pouvoir mettre la tête contre ta nuque. Heureusement pour moi, tu n’exiges à ce moment rien de ma personne. Mon tendre amour, mon jeune amour naissant, chancelant et hésitant, le sable tiède de ta peau me recouvre et m’enserre, et je me laisse glisser dans une adorable confusion entre rêve et réalité, un délicieux goût doux-amer d’évasion.
Si seulement tu ne partais pas si longtemps, loin de moi, me laissant avec les cris des marins et les bras d’Adélaïde, si seulement…