Une vie pour rien
Une vie à mettre certaines questions de côté
Soit par manque de courage pour en accepter les réponses
Soit par impossibilité d’en trouver
Une vie à revenir sur ce qu’on s’est promis
En souffrant d’être malhonnête
Une vie où le poids du temps se projette
Et où on ne changera pas
Une vie où on a tout choisi sauf soi
Une vie à à masquer ce qu’on est vraiment
Juste pour gagner du temps
Une vie à laisser filer
Car l’apparence est plus forte
Une vie où moins on se voit et mieux on se porte
Une vie où on trouve qu’il faut du courage
Pour s’avouer lâche chaque jour davantage
Une vie à mettre le masque qu’il faut pour monter plus haut
À faire des efforts
À dire oui à des gens dont on sait qu’ils ont tort
Une vie à parler de ce qui est mal et de ce qui est bien
Alors qu’on a soi-même jamais fait le point
Une vie à trouver ça sans importance
Une vie à se compliquer pour rien
Une vie entre deux quais où la voie du milieu est un miroir cassé
Une vie à dix à vingt à trente ans
Où on ne pardonne pas plus qu’on ne comprend
Une vie où le hasard fait le reste
Une vie à chercher partout ce qui offrirait une chance
De nier jusqu’au bout
Une vie où quand on comprend que c’est sa mémoire
Cette veine géante
On a fait un pas de plus dans le ventre
Une vie où ce n’est pas parce qu’on perd quelque part
Qu’on gagnera ailleurs
Une vie où le mal ne meurt pas mais se déplace
Une vie où une deuxième peau remplace la première
Une vie qu’on vide de tous ses objets
Qu’on remplie de copies moulées dans une matière étrangère
Une vie où il fait froid comme dans un four éteint
Où on avance un couteau à la main
Une vie où plus on réfléchit plus on
se dit qu’on aurait préféré un fusil
Une vie à écouter aux portes en croyant que derrière on nous détruit
Une vie à changer de visage pour apprendre à se reconnaître
Ou juste à mentir peut-être
Une vie où on ne s’attachera plus jamais à personne
Une vie à supplier pour qu’elle nous pardonne
Une vie où si on ne paie pas une fois le prix fort
On rembourse chaque jour d’un remords
Une vie qui n’est qu’un géant règlement de comptes
Où seule la manière diffère
Une vie où entre celles des autres et la nôtre souvent c’est la guerre
Une vie avec le père la mère et l’enfant
Et dans le futur du passé du présent
Une vie où le sang coule dans le temps
Un océan
Une vie où à trop vouloir tirer dans le tas
On tire sur soi
Une vie où on n’a rien à perdre à faire en sorte que ça s’arrête
Une vie à ne rien faire pour que ça s’arrête
Une vie à chercher de l’aide pour sortir de son enfer tiède
Une vie à brûler et à regarder ses mains
Une vie sans trouver le calme
Une vie où finalement au bout du chemin on ne regrette pas
Car une fois l’incendie éteint
Il ne reste plus qu’un tas de cendres froides
Et personne ne peut deviner ce qu’il y avait avant
Une vie pour rien
— Programme, Une vie (L’enfer tiède)