Je suis un raté.
Un rebut. Un assisté. Un inutile. Un grain de sable qui emmerde tout le monde. Un rien qui fait peur. Un néant qui met en évidence le raté que vous êtes.
Déjà gamin j’étais un raté. Le garçon qui pleure quand on le frappe. Celui qui fait dans son froc à l’idée d’aller à la récréation. Car il sait qu’il sera encore l’étranger, celui qui n’est pas sociable, celui qui reste dans son coin.
Les instituteurs pensaient avec raison que j’étais un raté. Même quand j’étais bon, j’étais nul. Même quand j’avais 20/20, je n’étais pas assez bon.
Dans les cours de sport j’étais toujours celui qu’on choisissait en dernier dans son équipe. Et j’aurais bien aimé ne faire partie d’aucune d’ailleurs. J’étais celui qui se prends le ballon dans la gueule. Parce que les autres gamins le visent. Ou parce qu’il est trop con pour l’éviter. Celui dont on ne veut pas, le nul, le faible, la femmelette. Même dans les équipes de fille on ne voulait pas de moi.
C’était comme ça. De la maternelle au lycée. D’aussi loin que je me souvienne. Des cours de récréation de primaire, à me prendre un ballon de basket dans la tronche, à me faire voler mes billes, à être moqué et rejeté. Jusqu’aux années de lycée, les expulsions et le grand échec du bac.
Quand les profs ne me prédisaient pas que je finirait clochard. Quand ils ne me mettaient pas 0/20 parce que je savais toujours pas écrire lisiblement. La faute à leurs prédécesseurs. Je passais mon temps à leur dire que leurs cours étaient nuls à chier. Ce qu’ils étaient. Qu’ils étaient des ratés comme moi. Des ratés qui auraient réussi parmis les ratés, à créer de nouvelles générations de ratés.
De toutes façons je m’en foutais bien. Entre les jours où je séchais les cours toute la journée par dépit et refus de voir leurs sales gueules de cons, et ceux où je venais quand même pour dormir en cours de philo avant d’envoyer chier la prof sur des questions auxquelles elle n’était pas capable de répondre, je passais mon temps à roupiller et baiser. Les seules choses que j’ai peut-être su un minimum faire. Pensez-vous que j’étais content de trouver des trucs auxquels j’étais bon. Enfin je crois. En tout cas j’ai jamais autant baisé qu’à cette époque. Et avec autant de filles.
Enfin j’ai foiré mon bac, deux fois. J’ai laissé tomber ces conneries et je suis parti travailler.
Depuis, pour les seuls diplômes que j’ai voulu passer on ne m’a même pas laissé m’y inscrire m’inscrire. C’est dire si je suis raté : on ne veux même pas me laisser rater. J’ai jamais rien réussi. C’est que je suis le résultat de votre éducation de merde et de mon caractère de cochon qui vous emmerde, avec raison.
Je suis le raté qui finira SDF, et pire qui pensera en avoir fait un choix. Pitoyable.