Les Chroniques de Valentin

De quoi je me nourris ?

De quoi je me nourris. De légumes. De fruits. De riz. De pâtes. De pizzas. De doughnuts. Mais pas que.

Je me nourris de vos cerveaux. De vos idées. De votre ennui. De votre mièvrerie. De votre gueule de con. De votre compte en banque. De vos tripes. De vos sueurs entremêlées. De vos cheveux abîmés. De ce que vous n’aimez pas chez moi. De ce que vous ne voyez qu’à travers mes yeux.

Parce que la vérité que vous ne voulez pas accepter c’est que vous êtes aveugles. Des gros cons avec des œillères qui ne savent pas ressentir la vérité du néant devant vous. Des tarés assoiffés de sentiments factices. Parce que vous n’êtes pas capables de ressentir quoi que ce soit.

J’en ai la preuve incontestable. Quand vous regardez les informations télévisées, quand vous lisez les journaux. Vous ne pleurez pas. Vous n’êtes pas attristés. Vous n’avez pas une boule au ventre quand un article vous compte dans les moindres détails comment un chômeur s’est immolé pour erreur de calcul de son indemnité. Pour une poignée d’euros dont vous ne savez même pas la valeur.

Vous me dégoûtez. Tous autant que vous êtes.

Moi je suis bouleversé. Tout le temps. Je suis bipolaire. Un instant je ris et je profite d’un soleil qui se fait rare. Le suivant je pleure, je frappe ce qui passe à ma portée, je crie. Car je n’en peux plus. Je suis fou. De vous voir impassibles à tant d’horreur, tant d’aberration. Que vous feignez d’ignorer.

Tout ça pour ne pas devenir comme moi. Fou.

Pourtant ça changerait quoi ? Vous avez déjà des gueules d’attardés.

Alors je fait la seule chose qui me permet de rester en vie. Je me nourris de vos vies pathétiques, de vos anecdotes à la con, de vos regards de chiens errants, battus à mort, résignés à pousser votre cercueil jusqu’au trou final sans poser de questions. Je vous dépèce aimablement, une fois que je vous ai épargné de plus amples souffrances avec un bon coup de parpaing sur la tête. Je ne m’attaque jamais à votre cerveau. S’il existe il est pourri, de la viande avariée dont même les rats ne voudraient pas.

Et je le régurgite. Dans les mots que vous lisez. Et que vous trouvez si authentiques, si vrais, si justes, comme si je savais lire dans vos tripes. Et bien croyez-moi, c’est le cas.