Les Chroniques de Valentin

Il n'est pas d'amour qui ne soit éternel

C’est ce à quoi je m’attardais l’autre jour, perdu dans mes pensées vagabondes et inutiles. Ce concept évasif que l’amour, que la passion ne peut être autre qu’éternelle, sans fin, sans limite, sans barrières, sans frontières. Cela vient de ce sentiment de liberté qu’on éprouve à chaque fois. Cette envie qui monte en soi de partager cette douce chaleur qui s’étend et nous envahit comme une maladie soudaine, une manifestation épidermique de l’infini qui nous habite. Ce plaisir interminable à penser à celui ou celle qui nous a éveillé de notre torpeur, de notre quotidien, de notre lassitude, de notre ennui.

Il n’est pas d’amour qui ne dure pas. Que ce soit un amour d’un jour, d’une semaine, d’un mois, d’une heure ou d’une seconde, il restera à demeure en notre sein, pour l’éternité, que nous en soyons conscients ou non. C’est cette histoire, ce passé cumulé, ces amours oubliées, ces passions déchiquetées, qui nous habitent et nous font vivre au jour le jour.

Et c’est leur absence qui nous marque. Qui nous déchire, qui nous découpe en morceaux, qui nous fait souffrir comme si jamais rien ne pourrait combler ce vide qui se creuse, béant et abysmal, comme un gouffre, comme une mine à ciel ouvert qui nous découpe le cœur et l’esprit. Une mine où 24h/24 des centaines de milliers d’engins industriels viendraient creuser encore et encore, à nous en vider de toute volonté de vivre.

Et malgré tout c’est cette douleur qui nous apporte tant de jouissance à retrouver dans nos mémoires affaiblies tantôt un sourire, tantôt une embrassade, tantôt une caresse, que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir retrouver de sitôt.

C’est cela qui nous transmet ce battement vital qui nous fait ressembler un minimum à des êtres vivants. C’est cette rythmique hallucinante et hallucinée, cette répétition des passions, des oublis et des habitudes, cette danse nocturne des souvenirs et des peurs d’abandon, qui nous pousse à rester nous-même. Dans a tourmente, dans la tempête, dans un tsunami d’émotions que nous ne comprenons pas, et que même à quatre-vingt-dix ans sur notre lit d’agonie nous ne comprendrons pas mieux. Nous serons toujours ignorants des mécanismes complexes de notre volonté involontaire de tomber amoureux au moment le plus imprévu, et de s’en rappeler au moment le plus inopportun.

Les symphonies de nos rêves éveillés ne nous sortiront pas plus de notre épilepsie hypnotique des amours éternels qu’un réveil fatigué qui sonne sans cesse l’heure passée de nos amours à venir.

Il n’est pas d’éternel amoureux, mais pas d’amour qui ne soit éternel. Et surtout pas d’absence qui ne nous transperce pas de son cruel ressentiment invisible, comme des milliards de dards d’abeilles ne nous attaqueraient pas pour nous rappeler les souvenirs qui nous font pleurer ces larmes que l’ont voulait éviter.