Les Chroniques de Valentin

Rêve de foire ambulante — sponsorisé par la loi Sécurité Globale

Le futur proche. Il y a eu une catastrophe. Nous sommes dans un monde post-apocalyptique.

Ce qui reste de l’humanité est condamné à avancer perpétuellement dans une longue ligne, traversant villes et campagnes. Sauf que cette ligne d’une dizaine de mètres de large est un gigantesque marché ambulant. On y trouve des stands (qui avancent aussi), des marchands à la criée, etc. Les étals sont roses, brillants, attirent l’œil, et vendent de tout.

Ce défilé permanent avance sans jamais s’arrêter : les habitations, les gens, les marchands…
Ceux qui s’arrêtent sont poussés sur le côté et éliminés.
Le monde est perpétuellement « en marche ».

Je fait partie d’un groupe d’opposants politiques.
Nous sommes réfugiés dans une petite chapelle. Elle aussi elle avance. Sur roues, sur pieds, sur porteurs, je ne sais pas.

Nous avons été repérés, les autorités nous encerclent.
Le prêtre cherche des armes, cachées dans la table de billard, qui a un double fond.
Sauf que nous avons été trahis, tous les emplacements des armes sont vides.
Dans la moquette verte on peut distinguer les marques laissées par le lourd acier des fusils et des pistolets. Mais il n’y a plus que les empreintes. Nous sommes désarmés.

Nous avons une issue secrète, nous pouvons nous échapper.
Mais nous savons que nous ne pouvons sortir à découvert. Nos visages sont connus. Les systèmes de vidéosurveillance et de reconnaissance faciale nous identifieraient immédiatement.
Nous devons donc nous déguiser.

Ce monde de marcheurs est divisé en castes, avec les plus riches les plus puissants qui peuvent se reposer dans leurs maisons, qui avancent.
Les pauvres sont écrasés et ne vivent que des miettes que leurs laissent la société.
Mon ami est déguisé en riche, habillé d’un long manteau noir et d’un grand chapeau sombre. Il s’échappe.
Moi et ma partenaire nous devons nous déguiser en une sorte de vampire.
On nous arrache des dents, les autres sont taillées en pointes.

Nous sommes une caste crainte car nous nous nourrissons des autres marcheurs, mais nous sommes aussi les esclaves sexuels des riches.

Nous sortons de la chapelle, et très vite on se perd l’un l’autre.
Je remonte la foule et les stands.
Des gens m’alpaguent.
Des passants habillés comme des électeurs de ex-l’UMP, cheveux blonds, mèche bien rangée, pull bleu noué autour du cou, me retiennent et ne me craignent pas, demandant des faveurs sexuelles. Je menace de les égorger sur place avec mes dents. Ils sourient comme si c’était ce qu’ils recherchaient. Je réussis à m’échapper.

Plus loin je croise un stand qui vend de vraies cerises, de la salade, des fruits.
Je n’en ai pas vu depuis des années.
Je m’assied au stand, un genre de bar avec des tabourets accrochés sur les côtés.
La patronne du stand me craint mais semble amusée, avec un sourire en coin, je dois me méfier.
Elle m’offre une part de tarte aux framboises.
Je goûte et je me met à pleurer.
Je lui dit que je n’ai jamais été aussi heureux.
Elle est étonnée.

Des robots arrivent.
Ce sont des espèces de bottes qui marchent toutes seules, avec des scies circulaires au dessus.
Il est évident que c’est la patronne du stand de tarte aux framboises qui les a appelés, pour me tuer.
Elle les arrête et leur fait signe de repartir.
Elle m’explique que sa famille a été tuée par mes semblables, mais que je ne suis pas comme les autres. Elle est intriguée.
Je ne peux pas lui dire que je ne suis pas celui qui correspond à mon apparence.

Et je me réveille.