Les Chroniques de Valentin

Cette odeur de vieux livre décharné te colle aux vêtements

Cette odeur de vieux livre décharné te colle aux vêtements comme la poussière du sable colle à ta peau nue et humide sur les grandes plages de l’incertitude.

Dis-moi, est-il plus beau métier que celui de bibliothécaire ? Il n’est pas plus belle passion que sentir l’odeur des livres neufs et anciens. Humer le papier. Se frotter contre sa ruguosité. Le toucher de la pulpe des doigts.

C’est là que commence l’histoire. Qu’avant même d’avoir lu la première phrase, le premier mot, la première lettre, tu sais déjà que tu changes d’univers. Que tu entres dans ce monde étrange où les mots sont rois, où ils vont te faire voyager loin, sans même te déplacer.

Tu sais instantanément que tu disparais dans les entrailles de l’imagination. Et que tu ne voudra plus en sortir. Que la dernière phrase, le point final, te laissera orphelin, avec un creux à l’âme, un vide, une sensation d’avoir tout perdu. Et l’envie d’y retourner.

Mais plus rien. Ce n’était que du papier. Le vrai monde est là : froid et sans espoir. Il ne te reste plus qu’à brûler le livre. Regarder les flammes danser. Et rêver. Jusqu’à ce que tu t’endormes sans t’en rendre vraiment compte. Pour oublier la vérité. Que nous sommes seuls, errant sans but et sans joie dans un dédale insensé. Que nous allons mourir sans savoir pourquoi. Et que plus jamais nous ne frotterons notre peau nue contre les pages de l’imagination.