Les Chroniques de Valentin

Mal-aimé

J’ai toujours été le mal-aimé. Le gamin bizarre que les autres gamins aiment pas et rejettent. Celui qu’on tape à la récré. Celui dont on joue avec le nom. Celui à qui on fait les pires blagues. Celui dont on ne veux pas. On ne choisis pas d’être mis à l’écart. C’est l’histoire ma vie.

En CM2 je croyais m’être fait des amis enfin. Personne n’est venu à mon anniversaire. Je n’ai plus fêté mon anniversaire depuis ce moment-là je crois. J’ai fait recoller mes oreilles pour que les autres arrêtent de se moquer de moi.

Au collège j’étais un des plus petits. Les grands me soulevaient par les oreilles. En sixième la prof d’anglais me tirait les oreilles quand je savais pas. Toujours ces oreilles… Mes profs m’ont toujours traité de cancre. En quatrième j’avais 14 de moyenne en français mais le prof disais que j’étais un cancre et que je ferais rien de ma vie. Depuis l’école primaire ces mots me poursuivaient : "cancre", "ne fera jamais rien de sa vie"... Réussis ou crève, c’est la loi de la jungle à l’école. Et moi j’étais pas dans les dominants, les plus forts, les leaders.

Jusqu’au lycée, quand j’avais 19 ans, personne ne voulait me prendre dans son équipe en sport. J’étais toujours le dernier choisi. Je me retrouvais souvent avec les filles. Parce que j’étais le "plus faible" (et les filles sont faibles, c’est bien connu...). Pourtant depuis mon opération à sept ans, tout effort physique prolongé me provoque des élancements de douleur très intenses dans les côtes, comme des coups de couteau. Tout cours de sport est pour moi une souffrance énorme. Physique car mon corps me fait souffrir. Psychologique. Car personne ne veut de moi. Chez les garçons je suis rejeté. Dans les vestiaires on me pique mes affaires et on joue à se les faire passer pour pas me les rendre. On me vole mes affaires. Tout le monde sais qui c’est, tout le monde se tait. On me frappe. Sur le terrain on ne veux pas de moi. Au foot on m’envoie des balles dans la figure. Des coups de pieds dans le ventre. Au basket on envoie des ballons sur ma tête, on me donne des coups de poings. On me traite nul. Et d’autres mots. Je pleure après chaque cours.

Je n’obtiens de dispense de sport qu’avant mon second passage du bac. Soit après plus de 10 ans de demandes. Mais aucun médecin n’a jamais pris au sérieux mes douleurs dans la poitrine. Pourtant aux cours d’endurance je terminais mes tours par terre en suffoquant. Mais les grandes personnes ne croient pas les enfants. Toujours à se plaindre pour rien. Et le sport c’est bon pour la santé. Bande de connards.

Au collège je trouve d’autres comme moi et on forme un petit groupe. On se fait quand même taper par les plus grands mais ensemble on sens moins seuls. Les trousses volées se font plus rares au fil des années. Je redouble ma 4ème. J’entre dans le vrai clan des cancres, les vrais, les durs. Plus vieux d’un an, je gagne un peu de respect. Je découvre le tabac, le shit, l’alcool, pour arrêter assez rapidement, ne comprenant pas l’intérêt à vouloir paraître comme les autres.

Au fil des années je reste le mal-aimé. Les gens disent des trucs sur moi dans mon dos. On me hais, on me déteste. On me crache dessus. Mais le contexte a changé. On me déteste parce que je suis différent. Que je me suis construit moi-même. Que je suis fort. Que j’ai fait ma vie sans tous ces connards et qu’elle est plus belle que la leur. Et que j’en ai plus rien à foutre de leur vie de merde.