Les Chroniques de Valentin

J'ai fait bien attention

J’ai fait bien attention avant de tout quitter que le plus petit rien soit mis sous les verrous d’une porte d’acier fermée à double tour.
Car aujourd’hui je veux continuer le voyage et laisser à garder mes brillants mes joyaux mes fausses perles et mes bijoux de pacotille afin que si jamais je reviens quelque jour, que je retrouve tout ce que j’avais confié aux gardiens vigilants des souvenirs jaloux sauvé des ravisseurs, épargné des vautours.

Mais vous près de qui les diamants sont bagatelles vous le meilleur de moi et mon pire défaut vous mon seul réconfort, ma plus vive inquiétude vous je vous laisse en proie aux vulgaires voleurs de mots et de désirs, aux faussaires du cœur.
Au lieu de vous cacher au fond d’un de mes coffres pour vous tenir tout près de moi à chaque escale, je vous abandonne à de nouvelles amours.

Et pourtant je voudrais que vous soyez là où vous n’êtes pas, enfermés dans mon coeur, dans la prison chaude et douce de ma poitrine sans gardien ni barreaux, où on est libre de sortir et revenir, selon son bon plaisir. Mais là aussi je crains que tu me sois ôté que de plus belles voix t’appellent à leur secours, que ton désir alors réponde aux inconnus et qu’on te vole à moi.
Mais je laisserais faire sans rancune et sans haine et sans cri de révolte.

Car toi près de qui les diamants sont bagatelles, toi le meilleur de moi et mon pire défaut, toi mon seul réconfort, ma plus vive inquiétude, toi je te laisse en proie aux voleurs généreux qui pour te posséder donneraient sueur et sang.
Je ne t’emporterai donc pas dans mes valises et même si l’oubli est la prochaine escale je serai quelque part dans tes autres amours.

William Shakespeare, Sonnets, chanté par Norah Krief