C'est plus pareil
Il a neigé cette nuit. Il n’y a pas beaucoup de neige mais, quelques millimètres seulement, en plus cette douce caresse blanche commence déjà à fondre. Valentin regarde la neige par la fenêtre. Il fait déjà nuit. C’est drôle comme la neige modifie tout un paysage, le rend plus beau, plus pur. Le béton grisâtre ? Devenu tout blanc, tout pur. Les routes sombres ? Toutes blanches, toutes pures. Comme le monde est beau lorsqu’il se revêt de son froid manteau blanc. Valentin regarde ce monde qui s'étend à sa fenêtre et il se dit que c’est beau. Oui, c’est beau, tous ces batiments délavés, ces trottoirs oubliés, ces lampadaires qui n'éclairent plus, ces arbres anorexiques, tout cet environnement urbain d’habitude si horrible à regarder, si déprimant, si réel. Tout ce monde créé pour la ménagère de moins de cinquante ans devient tout à coup beau, poétique, doux, romantique… Oui c’est ça, romantique. La neige embellit tout, même ce que l’homme a créé de plus horrible à voir. Valentin se sent bien. Bien, mais seul. Léa n’est pas là, il ne la verra que demain matin au lycée. Ca fait déjà quatre jours qu’il ne l’a pas vue. Elle lui manque. Trop.
Valenti, n’arrive pas à se faire à l’idée que demain c’est finit. Plus de lever à une heure de l’après-midi, plus de longues soirées à regarder des films et à rêver éveillé jusqu'à trois ou quatre heures du matin. Les vacances sont finies. Il ne veut pas. C’est trop court, il n’a même pas eu le temps de se reposer. Il droit retourner en cours alors que les idées submergent sont cerveau, il a plein de projets, plein de trucs dans la tête qui n’attendent qu’une chose : que Valentin empoigne le premier stylo, le premier piano, le premier pinceau venu, pour fixer ces idées qui demain seront sûrement parties. Valentin veut créer. Valentin aime créer. Valentin aime Léa. Valentin a-t-il créé Léa ?
«Il neige sur mon coeur comme il neige sur la ville.» Sacré Valentin, le voilà qui se met à adapter à la situation une quelconque citation extraite d’un quelconque poême appris inutilement dans une sombre salle de classe. Aujourd’hui Valentin a fait une dissertation. Il ne savait pas quoi dire, alors il a prit le défi d'écrire sa dissertation en dissimulant dans ses propos une critique très acerbe mais aussi très implicite de ce système scolaire qui de jour en jour le bouffe. Valentin est happé par ce système scolaire qui lui bouffe tout : son temps, sa créativité, ses projets professionnels… Valentin hait l'école. Il hait toutes ces salles sombres où les profs ont depuis longtemps oublié que l'école existe pour les élèves et non les élèves qui existent pour l'école. Valentin en a marre. Faut bien avoir le bac, les parents de Valentin lui répètent tout le temps, mais lui ne voie pas le bac, il voie juste huit à dix heures gâchées chaque jour. Certains disent que l’on passe la moitié de notre vie à dormir, Valentin dit que l’on laisse la moitié de notre âme à l'école. Il n’a pas tort. Valentin a réussi son pari, sa dissertation contient la critique contre le système scolaire qu’il voulait faire passer. Si la prof de français n’est pas trop bête, elle comprendra, et sûrement qu’elle mettra une mauvaise note à Valentin. Mais Valentin s’en fout. Les notes lui importent peu, pour lui tout ce qui compte c’est d’exprimer ce qu’il pense, de ne pas entrer dans le prototype prédéfinit de l'élève-bien-éduqué-qui-fait-bien-ses-devoirs-et-qui-satisfait-papa-maman. Valentin est libre, et il se battera jusqu’au bout pour cette liberté. Il ne se laissera pas marcher sur les pieds.
«Dieu a créé la liberté et l’homme l’a mis en cage.» Valentin invente souvent des citations comme ça. Citations imaginaires de grands auteurs que Valentin ne connaît pas. Citations d’un hypothétique Voltaire, d’un invraisemblable Rousseau, qui n’existent que dans la tête de Valentin et qui lui chuchotent à l’oreille une citation de ce genre de temps à autres.
Valentin écoute Pédrolira, le dernier album de Holden. Valentin s’endort les yeux ouverts devant la neige qui s'étend sur le trottoir en face de sa fenêtre. Il rêve. Il profite de cette seconde qui s'étend aussi longtemps qu’une existence sur cette terre. Valentin chantonne. Il rêve de Léa.
«C’est plus pareil, de quelle manière?
Je crève de ne pas savoir comment.
J’attends mon heure, là ou hier,
Comme ceux dont j’ai oublié le nom.»