Le sac jaune
Julie lui en avait parlé l’autre fois, de Léa. Valentin la connaissait déjà de vue, il l’avait vue au spectacle de théâtre du lycée, l’année dernière. Elle avait un jeu étrange, reclu, comme un enfant qui a peur des impulsions qu’il peut avoir, recroquevillé sur lui-même. Valentin avait tout de suite remarqué ce jeu bloqué, où l'énergie restait enfermée au fond de l’acteur. Ce type de jeu théâtral où l’acteur réfrène comme il peut son énergie, par peur de l’inconnu, de son inconnu. Mais peut-être aussi que Valentin se trompe…
Enfin bref, il y a quelques jours Julie avait dit à Valentin qu’une de ses amies (à Julie) le trouvait, lui, plutôt mignon. D’un côté il voulait ne rien avoir à en faire, que ça reste une anecdote, mais d’un autre côté, ça a redonné à Valentin un peu d'énergie, ça a rallumé cette flamme qui brillait en lui autrefois. Aujourd’hui quand Julie lui a présenté Léa, la flamme s’est remise à brûler comme avant, voire même plus fort. Non, il le savait maintenant, l’amour qui existait, là, en lui, n'était pas encore mort. Cette pensée le fit sourire. Il était vivant ! Son amour était vivant ! Depuis de longs mois il le croyait mort, enterré au plus profond de son coeur, derrière l’indifférence et la sensation d'être blasé. Mais non, cet amour était bien vivant. Même s’il sait qu’il n’a sûrement aucune chance avec Léa à cause de sa timidité, il sait que désormais plus rien ne sera comme avant.
Et puis cette Léa, elle est jolie en plus. Très jolie. Il l’avait déjà remarquée au spectacle de théâtre du lycée, l’année dernière… Mais Valentin se répète tout le temps la même histoire dans sa tête. Léa, son sac jaune, elle se retourne… Son sac jaune… Léa… Valentin dort. Il ne fait pas de cauchemar, ni de rêve, il dort, comme jamais depuis longtemps. Et peut-être que demain il ira voir Léa et il lui parlera… Ou plutôt lundi prochain… Ou jamais… Ou tout de suite…