Les Chroniques de Valentin

D'entrée. On était vaccinés contre l'espoir naïf. (Aujourd'hui, maintenant)

Tu te souviens de nous étudiants ? Je veux dire inscrits. Pour la sécurité sociale et les tarifs réduits. De nos 30 mètres carrés pour 1420 francs. En prime le papier peint pourri qui fout le camp. De ces soirées interminables. Des spaghettis pour dix. Des taches de vin sur le canapé. Je passe le cendrier.

Tu te rappelles la distribution de prospectus ? À l’entrée du parking, promo sur les autoradios. De ces gamins qui démarraient des BM, sans en avoir les clés. Puis d’un signe de la main, dégager.

Qu’est-ce qu’on est cons à 20 ans. C’est clair. Mais quel plaisir on y prend. Tu te rappelles ? Toujours à contredire. Nous deux contre la terre entière. Ce qui me rassure. On est encore capables d’en faire autant. Aujourd’hui. Maintenant.

C’est clair. On a aussi pris de grosses claques. De celles qui foutent en l’air, qui marquent. De celles qui font mal aux convictions. C’est sûr. On n’a pas été gâtés. Regarde ce qu’ils nous ont laissé. De vieux restes d’idéologies. Qu’on a toutes vu se planter.

D’entrée. On était vaccinés contre l’espoir naïf. L’optimisme creux. Les lendemains qui chantent. Les jours heureux.

On n’a pas lâché l’affaire pour autant. Il y a encore des sujets sur lesquels. On est restés intransigeants. On rêvait de danger permanent. De prise de risque perpétuel. Et quand vient la peur de la routine. Des habitudes. Au quotidien la lassitude.

J’ai envie de te dire : « regarde, on est vivants ». J’ai l’impression que ça suffit pour faire de nous des débutants. Il y a tant de choses que nous n’avons pas vues. Tant de choses que nous n’avons pas encore vécues. Ensemble. Ou séparément. Ensemble. Aujourd’hui. Maintenant.

Aujourd’hui. Maintenant.

— Experience, Aujourd’hui, maintenant, 2001.