Les Chroniques de Valentin

Red carrots and blue apples

Dehors dans la neige y’a mes fruits et légumes préférés. Y’a les carottes rouges, les concombres blancs et les pommes bleues. Ca me réjouit tout le temps de les voir baigner dans ce lit de poudre brillante. Ils sont heureux et souriants comme lors des éclipses de soleil. Ils sont variés mais pas avariés. Alors ils chuchotent des mots doux à l’oreille de la terre. Ca bruisse de légèretés, comme la brume du matin qui dépose sur les feuilles de ces beaux animaux un peu d’eau fraîche et pure. Ya pomme bleue qui dit que la neige c’est rien qu’un énorme nuage de brume du matin qui s’est égaré et qu’a pris du poids en mangeant à Mac do. Carotte est pas d’accord forcément, avec son esprit de contradiction. Alors le ton commence à monter. Et c’est l’empoignade entre les amis herbivores. Tout le monde hausse la voix et crie. Ils remuent. Commencent à sortir leurs racines de sous la terre. Et à se foutre des claques à coup de feuille de choux. C’est alors qu’un cornichon rose empoigne un caillou et le jette sur son grand frère le concombre blanc. Tous les cucurbitacés et même les autres se figent d’un coup. Après quelques secondes de silence, une courgette s’écrie "C’est la guerre!" et alors tout le monde prends de la caillasse et la jette sur les autres. Et ça se casse la gueule gaiement sur le dos de la terre qui ronchonne de ces habituels conflits stupides. Les légumes et les fruits commencent à tomber comme des mouches. Leur sang se répand dans la neige et forme le plus beau des arc-en-ciels. Au bout d’un moment tous les malheureux sont à terre. Seule survit une pomme de terre noire et carrée. Elle commence à se relever et à sourire en commençant à crier "Victoire ! Je leur ai bien niqué la gueule à ces lavettes de fruits de supermarché !" Et là d’un coup d’un seul à vous en faire frémir les vertèbres une immense botte l’écrase et fait gicler le sang noir sur la neige blanche. Alice des merveilles, la paysanne qui avait tout vu depuis la fenêtre de la chambre de son donjon, gromela dans un soupir "Foutus carottes. Z’ont jamais eu le sens de la diplomatie."

Et dans le froid de l’hiver qui s’esquisse d’un mois de mars qui trépasse pour laisser la place aux réjouissances et amours du printemps, un arc-en-ciel multicolore s’écoule dans la neige blanche d’un matin un peu frileux. Et le cerisier qui était resté là à observer la scène savait, du haut de ses longues années et de ses longues branches qui commençaient à peine à fleurir pour accueillir sur ses branches les gourmands amoureux, que la vie est trop belle pour la gâcher dans de séniles querelles avec ses amis. Mais les petits légumes, n’écoutant que leur soif de haine, de pouvoir et de domination, ne pouvaient pas prendre le temps d’écouter des paroles sages, et encore moins d’y réfléchir, trop occupés qu’ils étaient à vouloir avoir raison.

Et la neige pendant ce temps-là pestait sur ces vilaines tâches sur sa belle robe neuve. Mais ceci est une autre histoire…