Les Chroniques de Valentin

Comptine d'été.

Je suis un et multiple. Je suis plusieurs et seul. Je suis une et elles. Je suis un et ils.

Je suis une comptine d'été que l’on écoute le soir avant de se coucher. Je suis une comptine d'été que l’on fredonne le matin après avoir aimé toute la nuit. Je suis prisonnière et libre en même temps. Rattaché à toutes ces bouches qui me fredonnent, à toutes ces lèvres qui me chuchotent, à toutes ces oreilles qui m'écoutent, à tous ces corps qui vibrent, à tous ces yeux qui pleurent quand ils m’entendent. Je ne suis pas belle, mais plus que ça.

Je ne parle jamais, je me tais et j'écoute. Les souffles de plaisir qui s'échangent, les sanglots de bonheur, des silences de timidité. J'écoute tout ce qui a besoin d'être écouté. Tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont tant de choses à me raconter. Toutes ces manières de me chanter, de me raconter… Tous ces rêves que je donne, ces utopies que j’offre, ces coeurs que j’ouvre… Je sèche les larmes après les avoir fait couler le long des joues. Je fais rire les enfants qui jouent entre eux. Je réconcilie les amoureux ou au contraire les sépare. J’apporte le bonheur et la plénitude pour certains là où j’apporte le malheur et la solitude pour d’autres. Je ne suis pas juste et ne cherche pas à l'être. Je ne suis pas réfléchie ni préparée.

Je ne suis rien. Rien d’autre que quelques mots fredonnés, quelques vers chantés, quelques notes sur un piano. Rien qu’une petite chansonnette d’amour. Celle qui vous fait rêver ou pleurer. Celle qui apporte tant d'émotion que les larmes vous débordent des yeux. J’enchante les coeurs et les âmes. Je ne suis qu’une comptine d'été, rien de plus, sans prétention. Et ce soir je me suis faite belle, pour les amoureuses et amoureux de toute la planète qui vont me fredonner dans toutes les langues imaginables, pour exprimer la seule qui n’as pas de grammaire : la langue du coeur.

Je ne suis qu’une comptine d'été, et je me suis vite oubliée…

Après avoir chanté sur les toits et balcons, de quoi se faire se mêler la salive de tous les amoureux, de toutes les amoureuses, je me suis retrouvée dans l’obscurité des nuits d’automne. A contempler les feuilles tomber. A regarder les coeurs se briser. A ne voir que les larmes couler et les amours pleurer. Je ne suis qu’une comptine d'été. Je n’ai essayé qu'à apporter la gaieté. Finalement, je me suis trompée. Je n'étais pas prête. Automne est arrivé. Et on m’a délaissée. On m’a juste laisser regarder s’effondrer ce que j’avais construit. L’espoir est parti. L’amour a disparu. Tout est tombé.

Je ne suis qu’une comptine d'été, et je me retrouve esseulée…

Que me reste-t-il après ces mois de liesse ? Le soleil qui brillait dans les yeux des amoureux ? La joie de vivre qui transpirait dans les cheveux des amoureuses ? Il ne reste rien. On m’a tout enlevé. On m’a ôté la vie. On m’a enlevé la vie. Ce qui me rendait forte et belle. Ce qui me laissait souriante et brillante. On m’a volé l’amour. Sous les couleurs de l’automne je me suis déssechée. J’ai vieilli. Sous les pleurs des arbres je suis décédée.

Je ne suis qu’une comptine d'été, et vous m’avez déjà trop vite oubliée…