Les Chroniques de Valentin

I'm in love with you (10)

J'étais affalé sur une banquette à côté de Valentin dans un quelconque musée de plus qu’on visitait. Encore un truc historique barbant. Par contre les banquettes étaient confortables. Un beau tissu rouge accueillant, moelleux, dont on voit au premier coup d’oeil qu’il n’est fait que pour une chose : s’y asseoir pour se reposer des deux heures de visite ennuyantes que procurent tous ces tableaux et autres reliques d’un passé qui n’a plus rien de passionant pour personne depuis déjà bien longtemps.

J’entrepris la discussion avec Valentin. "Je ne comprends pas. Tu dis que tu es Polyamoureux. Mais je comprends pas, définitivement. Comment peux-tu aimer plusieurs personnes en même temps?"

- En fait, pour reprendre l’exemple usuel, pour moi l’amour c’est pas mon compte en banque. Sur mon compte si je retire de l’argent et que j’en donne à quelqu’un, il y aura moins d’argent à donner à quelqu’un d’autre. Avec l’amour ça ne marche pas comme ça, il n’y a pas de limite, pas de quantité définie, ça ne s'épuise pas, tu peux donner encore et encore et encore et ce sans fin.
- Mais si tu aime une personne, tu ne devrais pas avoir besoin d’aller voir ailleurs?
- Mais je ne vais pas voir "ailleurs" ! Je peux avoir une relation amoureuse avec une personne qui m’apporte beaucoup de choses, et même tout ce que je puis désirer. Mais pourquoi ne pourrais-je pas avoir d’autres relations avec des gens que j’aime à qui j’apporte aussi des choses et qui m’en rapportent également?
- Mais je n’arrive pas à saisir. Tu ne peux pas être amoureux d’une autre personne si tu est déjà amoureux, ou alors tu n’est pas vraiment amoureux!
- Mais si, si, si ! Je peux être amoureux de plusieurs personnes en même temps ! Pourquoi est-ce que ça ne serait pas possible ? Ce n’est pas parce que je partage beaucoup d’amour réciproquement avec une personne que je n’ai pas encore de l’amour à donner avec d’autres personnes intéressantes et passionantes pour moi.
- Hum… Peut-être, admettons, mais tu ne peux pas avoir une vraie relation de confiance avec ces personnes, puisque tu les trompes avec d’autres ! En fait tu cherche juste à coucher ? A avoir des relations courtes sans t’attacher?
- Mais non, non, non ! Absolument pas. D’abord je refuse d’entamer une relation amoureuse avec une personne qui n’accepte pas mon mode de relations. Ensuite il ne faut pas que la personne tolère mes autres relations, mais bien les accepte, ce qui est totalement différent. Tu vois quand tu tolère, c’est genre dire "bon ok, d’accord" mais avoir quand même un ressenti négatif, se sentir blessé quand je parle d’une autre relation. Ca c’est juste tolérer, et la personne souffre et n’est en accord que parce qu’elle tient à moi, ce qui est mauvais car elle souffre, hors je ne veux pas qu’elle souffre. C’est pour ça qu’il faut s’assurer, par des mots clairs dans des discussions simples avec la personne, qu’elle accepte bien le mode de relation, qu’elle va l’accepter réellement et non tolérer. Sinon elle en souffrirait, et c’est tout sauf ce que je cherche. Je ne leur mens pas, je ne leur cache rien, mais je ne vais pas non plus tout leur dire si les personnes ne me demandent rien, on est pas tenus de tout se dire. Tu vois ce que je veux dire?
- Hummmm.... Ouais je vois à peu près...
- Bien. Ensuite je ne cherche pas que des relations courtes, bien au contraire, je tente de privilégier des relations de confiance à long terme. Je ne le fait pas pour "coucher", justement c’est bien ce que je fait le moins dans mes relations.
- Tu es asexué?
- Disons que ça ne me plaît pas plus que ça...
- C’est rigolo ça!
- Oui...
- Et Maud a des relations heu… de la même manière que toi?
- Plus ou moins, on est chacun libre de fonctionner comme on le préfère, il n’y a pas de règles explicites ou implicites établies comme dans une relation de couple.
- Heu.. tu me traduit?
- Pose-lui la question de comment elle vis ses relations affectives, elle saura mieux t’expliquer que moi. Tu sais elle te mangera pas.
- Oh je sais pas, des fois je me demande si elle va pas me mordre le cou comme un vampire avec son regard…

Rires. Tout le monde se retourne vers nous avec des yeux hagards. On s’arrête de rire, on regarde les autres qui nous regardent, on se regarde tous les deux et on éclate de rire.

On finit par partir du musée, et je repense à tout ça en marchant, accroché au bras de Léa. Tous ces concepts me paraissent compliqués et tellement éloignés de moi, mais ça parait aussi tellement simple la manière dont Valentin et Maud le vivent, tout cela est troublant. Finalement, les visites de musées peuvent apprendre des choses, mais apportent aussi tellement de questionnements… La prochaine fois je regarderais les tableaux et vitrines poussiéreuses, ça me paraîtra plus simple.

(à suivre...)