Les Chroniques de Valentin

Un slogan, des mots.

Parce que Valentin, quand il écrit, c’est sans sucre ajouté.

C’est ce que m’as dit B. l’autre fois quand je lui ai demandé de décrire mon journal selon son idée. J’ai été à la fois surpris et amusé de cette description. Ca faisait très slogan j’ai trouvé. Très vendeur. Surtout que c’est faux. Ce que j'écrit c’est loin d'être light. C’est gras, lourd, faux, inutile. Je suis pas comme le Coca light. Enfin si en fait. Je laisse un sale goût dégueulasse dans la bouche. On crois consommer quelque chose de peu nocif pour notre santé, sans sucre ajouté. C’est vrai du sucre, y’en a pas. Par contre y’a de l’Aspartame, un remplacant au sucre, avec le goût du sucre mais qui n’existe pas naturellement. Ce que j'écrit est comme de l’aspartame, c’est faux, c’est synthétique, c’est un effet cherché, une réaction chimique. Rien de naturel.

Pourtant, B. crois que j'écris sans sucre ajouté. Il y a une part de réalité dans cette idée. Je ne corrige jamais un texte. Je ne le relis pas avant de le publier. J'écrit, tout vient comme ça, ça sort de ma tête, un peu comme une sorte de vomi dont on se débarasse quand on en a besoin. C’est viscéral. C’est dans les tripes. Au plus profond de moi. Ca crie, ça hurle, ça me dévore et ça ressort. Les mots sont comme une maladie. Ils me bouffent de l’intérieur, s’entrechoquent, se perdent et remontent à la surface. Je les met dans des phrases, mais ils n’acceptent pas toujours d’y rester. Des fois ils s’enfuient. Ils polluent un texte. Se mettent au milieu. Ca fait tache d’huile. Je suis malade. Y’a un cancer là dedans. Un cancer qui ne dit pas son nom. Il gronde, s’amplifie, s'étends, se construit, se mouvoie, se détruit… Mon corps est plein de mots. Ca déborde. Ca transpire. Ca se fait le tour du système sanguin, ça passe par le coeur, les poumons, le cerveau, les jambes, le ventre, le sexe… Et ça ressort. Ma sueur c’est des lettres, seules, abandonnées, des mots tranchés en petits bouts pour passer à travers les pores. L’air que j’expire chuchote n’importe quoi. Ca n’as pas de sens. Je saigne des points, des guillemets, points virgules, points de suspensions, suspendus aux virgules, ouvrez les parenthèses, ne les refermez surtout pas. J'éjacule des phrases sans aucun sens. Je perds mes sens, le sens des mots, des réalités. Je perds pied. Et la raison. Et mon corps change de saison. Et tout recommence. Encore.

Les mots me bouffent, ils vont avoir ma peau. Ils sont tellements cruels. Ils sont tous aussi beaux. Ils vont avoir ma peau. Un suicide par les mots voilà ce qu’il me faut.