Les Chroniques de Valentin

Avec amour ou sans amour !

— Le monde selon Malaussène : avec amour ou sans amour ! Pas d’alternative. Le devoir d’amour ! L’obligation au bonheur ! La garantie-félicité ! L’autre dans le blanc des yeux ! Un univers de merlans frits ! Je t’aime ou tu m’aimes, qu’est-ce qu’on va faire de tout cet amour ? La nausée ! De quoi s’enrôler dans la horde des veuveurs !
— Les veuveurs ?
— Les veuveurs ! Les faiseurs de veuves ! Qui nous libèrent de l’amour ! Pour donner au moins une chance à la vie ! Telle qu’elle est ! Pas aimable !
(...)
— D’où ça te vient, cette religion de l’amour, Benjamin ? Où est-ce que tu l’as chopée, cette vérole rose ? Petits cœurs qui puent la fleur ! Ce que tu appelles l’amour… au mieux, des appétits ! Au pis, des habitudes ! Dans tous les cas, une mise en scène ! De l’imposture de la séduction jusqu’aux mensonges de la rupture, en passant par les regrets inexprimés et les remords inavouables, rien que des rôles de composition ! De la trouille, des combines, des recettes, la voilà la belle amour ! Cette sale cuisine pour oublier ce qu’on est ! Et remettre la table tous les jours ! Tu nous emmerdes, Malaussène, avec l’amour ! Change tes yeux ! Ouvre la fenêtre ! Offre-toi une télé ! Lis le journal ! Apprends la statistique ! Entre en politique ! Travaille ! Et tu nous en reparleras de la belle amour !

(Daniel Pennac, Monsieur Malaussène)