Les Chroniques de Valentin

Et il boit pour oublier qu'il en boira un autre

Tous les jours il affronte les coups de cloche, les coups de semonce, les coups de poing dans la gueule, les coups de sangs, les souvenirs qui coupent toute volonté, les déprimes et les morts qui s’accumulent.

Il sème les amitiés dans des boîtes en métal. Elles resteront là bien sagement jusqu’à moisir, que les boîtes s’oxydent et qu’il les jettent. Il a peur de lui. Il maudit son quotidien, il hait chaque jour qui passe.

Il affronte les tempêtes et les marées. Seul dans la houle il se raccroche au cordage en pensant qu’il s’y pendra bientôt. Les femmes de chaque port ne lui donnent plus que chaque coup de marteau sur un cercueil d’algues.

Les dimanches il nettoie les étagères, les cadres photos, les bibelots tout moches, il reste quelques minutes sur le pas de porte de la chambre des enfants.

Il va parfois lire le journal au café. Puis il rentre chez lui. Et il attends jusqu’à demain. Que le jour se lève à nouveau. Que le désespoir se noie encore dans son foie. Il est saoul même quand il dort. Et les nuits on l’appelle dans ses rêves mais au réveil il est toujours là. Alors il boit pour oublier les tempêtes.

Alors il engouffre les marées les tempêtes et recrache tout. Il reprends et continue. Et il boit jusqu’à demain, en espérant que demain ne soit plus là. Et il pleure et il rit et il trinque à sa mémoire. Et il boit pour oublier qu’il en boira un autre.