Les Chroniques de Valentin

Lentement (archive)

Lentement la flamme change de direction selon le sens des légers courants d’air. Lentement la goutte de cire s’écoule le long de la bougie. Lentement elle vient se poser sur le bord du bougeoir, brillant faiblement de son bronze sali par le temps. Lentement ma plume glisse sur le papier comme sur de l’eau. Des boucles, des points, des tirets, des formes étranges se dessinent le long des lignes. Et toujours la flamme oscille au fil des changements de direction du vent.

Et les gouttes de cire continuent inlassablement de couler, une à une, à intervalles irréguliers. Et la cire commence à déborder du bougeoir sur la table en bois. Ce bois usé et abîmé par les saisons successives : printemps, hiver, automne, été. De nouvelles saisons, de nouveaux mois, de nouveaux jours, tout le temps tout change inexorablement.

Chaque année je reviens ici et chaque année quelque chose à changé. A force de revenir ici, les arbres, les pierres, ou même l’eau du ruisseau me connaissent et me saluent. Surtout l’eau du ruisseau si claire, si parfaite, un miroir humain, elle reflète mon visage et me montre à quel point j’ai changé et je continue de changer. Mon visage vieillit, ma peau se ride et mes yeux disparaissent au fond de leurs orbites. Je vieillis. Et ça je n’arrive pas à m’y faire. Je n’arrive pas à y croire.