Pour le paradis, tapez 1, pour l'enfer, tapez 2
La mort est un des thèmes les plus importants dans l’histoire de l’humanité, sinon le plus important. On pourrait en réalité plutôt parler de l’angoisse de la mort, car chez l’humain la mort est quasiment toujours une angoisse. Cependant, cette angoisse est tempérée. De nos jours entendre que des milliers de personnes sont mortes à l’autre bout du monde ne nous fait ni chaud ni froid, alors que le décès d’un proche nous touchera au plus près.
Cela illustre que notre angoisse de la mort est plutôt une angoisse de la perte, du vide. Ce qui nous renvoie à une réalité peu optimiste, celle du cycle de la vie : comme tout être vivant, un être humain naît, vis plus ou moins longtemps, puis disparaît. Il n’y a rien qu’on puisse faire contre cet ordre naturel, on ne peux pas ralentir le temps, on ne peux pas retarder le dernier instant.
Et c’est cette fatalité qui représente la plus grande angoisse de l’homme : il n’arrive pas à admettre qu’il n’est qu’un être vivant et comme un arbre ou une abeille, il disparaîtra. Cette angoisse est matérialisée dans tous les fantasmes qui ont été inventés par l’homme pour la diminuer. De tous temps on a élaboré de toutes pièces des fables, des croyances, pour aider l’homme à accepter un destin immuable. Cela va de la fontaine de jouvence à l’ensemble des religions.
Depuis les croyances les plus ancestrales l’homme s’est inventé des idées de réincarnation, d’âme, de paradis, etc. Peut-être que ces croyances ont été inventées consciemment par une personne ayant une conscience un peu plus élevée et qui a compris que la mort était une angoisse primale, qui pouvait aller jusqu’à rendre un homme fou, à lui faire perdre tout sens de la réalité. Que cette personne ait compris qu’il fallait donner à ses semblables une croyance pour qu’ils puissent affronter la mort de leur semblables ou l’idée de leur propre mort. Ou peut-être que ces croyances ont été inventées inconsciemment par les hommes, que leur angoisse les a poussés à se créer des fantasmes pour affronter ces mêmes angoisses.
Cependant, alors même que de plus en plus d’humains acquéraient un niveau de conscience plus élevé, les croyances et fantasmes sont restés, par volonté des puissants de contrôler les peuples. Prenons l’exemple des fables chrétiennes. Chez les chrétiens la mort donne accès soit à l’enfer soit au paradis, la détermination se faisant selon les actes de la personne durant sa vie passée. Vous noterez que les notions de bon ou mauvais actes sont plutôt variables selon le niveau de fortune et de sang noble de la personne. Massacrer des milliers de personnes au nom de la religion contre les "ignorants" est un acte "bon" quand on est un puissant seigneur alors que tuer une personne quand on est un paysan est "mauvais". Il apparaît donc assez rapidement évident que cette logique manichéenne a été instaurée pour dompter le peuple, l’empêcher de penser et de se rebeller. La religion a bien évidemment toujours été un outil de domination particulièrement bien huilé, mais on pense alors plutôt aux institutions religieuses, pourtant la religion elle-même a été fondée depuis le début dans des desseins très précis.
Reprenons donc notre exemple du paradis (ou de l’enfer), il a clairement été instauré comme un principe de récompense (ou de punition), principe même de la carotte et du bâton. Il a un double intérêt, non seulement pendant la vie d’une personne on peux la maîtriser, en lui faisant miroiter le paradis ou en menaçant de l’enfer, mais de plus cette croyance de "vie après la mort" lui laisse penser que sa vie n’est pas inutile, qu’elle a un sens, et qu’elle sert à déterminer justement ce que sera sa vie dans l’au-delà. En ce sens, elle sert de soupape contre l’angoisse de la mort, mais aussi comme outil de soumission. Un citoyen qui est conscient de sa propre mort, que sa vie sera terminée un jour et qu’il n’y aura plus rien ensuite, aura une autre conscience de sa vie et des actions qu’il peut y entreprendre. Quelque part il acquèrera une liberté supplémentaire, il disposera de la conscience que sa vie lui appartient et que c’est lui qui la dirige entièrement.
En ce sens, accepter la mort, l’assumer, est quelque chose de difficile, puisqu’elle est en elle-même une contradiction pour l’homme doué de conscience, s’il peux choisir le sens de sa vie, il ne peux décider de sa mort ou de celle des autres, c’est un événement qu’il subit. Mais l’accepter et l’assumer est un stade différent, tout autre, qui est relatif à chaque personne; alors qu’en avoir conscience et accepter qu’elle existe, qu’elle n’est pas un passage vers un "autre monde" ou autre croyance désuète, procure l’accès à un niveau de conscience plus élevé sur sa propre vie. Cependant accepter l’existence de la mort et qu’elle est la fin de toute vie, de toute pensée, de tout existence d’une personne, n’est pas chose aisée, et c’est de cette difficulté que se nourissent les dominants pour soumettre les peuples à leur volonté. Ainsi toute nation souhaitant voir son peuple obéissant et en incapacité de se révolter, s’aidera autant qu’elle peut de fantasmes et de fables semblables à celles déployées avec force par les religions, afin de brider la conscience des personnes.
Il est souvent difficile d’admettre que toutes les croyances développées par l’humain jusque là ne sont que le fruit de contextes géopolitiques et de décisions politiques prises par des hommes puissants par leur fortune et leur position sociale afin de conserver et privilégier leur propre position. Cependant l’histoire et un peu de réflexion et d’analyse prouvent assez facilement le contraire. Et si par exemple de nos jours Nicolas Sarkozy déploie beaucoup de force pour imposer ses idées liées à la religion, ce n’est pas un hasard, ni de l’ignorance de sa part, mais il s’agit bien d’une volonté explicite d’utiliser les fantasmes religieux pour brider un peuple qui a acquis un peu trop de conscience.
Faudra-t-il détruire les sectes et religions pour enfin pouvoir imaginer une égalité des peuples ? A-t-on besoin d’interdire ces outils de domination pour libérer les consciences ou doit-on attendre que leurs adeptes acquièrent eux-même la conscience de l’inutilité de leurs croyances ? L’histoire et le passé ont prouvé je pense que rien ne saurait ébranler ces outils de soumission qui continuent de tourner à plein régime malgré l’évolution du niveau de vie et d’éducation. Parce qu’au fond rien n’a changé, et qu’on a remplacé le travail forcé par le travail salarié, et que pendant qu’une personne travaille, elle n’as pas le temps de penser et de développer sa conscience. Ainsi notre époque moderne a su remplacer les religions par d’autres outils de domination si vous avez réussi à sortir du carcan des fables et croyances religieuses.
Rien ne change avec le temps, les peuples sont toujours soumis et les puissants abusent toujours de leur position avec plaisir, sans que cela n’ait aucune conséquence. Mais la mort, elle, pourrait bien marquer un tournant si tant soit peu que les peuples en prennent conscience.