Les Chroniques de Valentin

Tous ces hommes, toutes ces femmes

Valentin rêve. Il est assis sur le banc dans l’arrêt de bus. Son visage est faiblement éclairé par le néon fatigué. Avec cet éclairage lugubre il a quelque chose d’irréel, de fantomatique. Nous sommes dimanche prochain, le huit décembre, il est dix-huit ou dix-neuf heures, Léa et Valentin viennent de se quitter pour se retrouver lundi matin au lycée. Mais pour le moment Valentin est assis sur le banc de l’arrêt de bus, devant les galeries Lafayette, à Epinal. Il regarde les gens passer.

Il regarde tous ces gens qui marchent, courent, parlent, crient, se dépêchent, rient, pleurent, aiment et haïssent… Tous ces gens qui vivent dans cette rue. Déjà Valentin devine derrière les visages les petits problèmes quotidiens, les grands drames personnels, les petits tracas, les gros chagrins… Valentin voit tous ces hommes, toutes ces femmes qui marchent, pensent, aiment, comme tout le monde, comme Valentin.

Tous ces hommes, toutes ces femmes, qui ont une vie sentimentale, professionnelle, amoureuse et sexuelle… Ainsi donc tous ces gens ont un sexe. Ils sont tous sexués. On ne dirait pas comme ça, à première vue. C’est difficile d’imaginer que sous tous leurs vêtements chauds ces gens ont un sexe, un vrai, qui peut servir à la reproduction, au plaisir, ou à la souffrance des autres. Comment tous ces gens font pour ne pas penser à chaque seconde à leur sexe ? A ce truc qu’ils ont entre les jambes ? Mais peut-être qu’ils y pensent tout le temps, et que personne ne le remarque… Peut-être qu’ils sont tous obsédés par ça et que c’est pour ça qu’ils essayent de le cacher au mieux sous leurs vêtements. Oui c’est ça, ils y pensent tout le temps mais ils en ont peur. Ils ont peur de leur sexe. Ils ont peur d’eux-même.

Non, finalement ce n’est pas possible. Tous ces gens ne peuvent pas penser vingt quatre heures sur vingt quatre à leur sexe… Ce n’est pas possible. Mais ils pensent souvent, ça Valentin en est sûr. Grâce aux médias notre société est devenue un bordel à putes. Merci chers médias ! Ô notre Dieu le média ! Sois béni pour les Saintes images que tu déverse sur nos cervelles pourries ! Publicité pour un parfum, pour un vêtement, pour un gel douche, une voiture, une lessive… Toutes les publicités sont pleines de filles qui ne montrent rien mais suggèrent tout. Regardez-les biens toutes ces pubs, est-ce qu’elles ne vous parlent pas ces filles sur les affiches ? Est-ce qu’elle ne semblent pas vous dire «Oh oui baise-moi» ? Est-ce que toutes ces filles de papier et de pixels n’ont pas envie d'être baisées par le premier consommateur venu ? Si ! Bien sûr ! C’est ça la consommation, c’est ça la vie, c’est ça la France, c’est ça l’avenir. «J’encule l’avenir» c’est ça le mot d’ordre. «Les femmes sont des chiennes avides de sperme» c’est ça l’idée, c’est ça ce que pensent les hommes. Mais c’est ça l’amour.

Tous ces hommes, toutes ces femmes dans la rue… Tous ces fachos, toutes ces putes dans nos rues… Mais tout va bien. Dieu le père nous guide dans la sainte démence. Hallelujah ! Jésus viole sa mère la Sainte Vierge et tout le monde crie bravo à ce nouveau concept commercial intelligent. L’homme est une pute. Tant mieux.