Les Chroniques de Valentin

Demain c'est loin

«Je ne suis rien, je pensais à demain
Et plus j’y pensais plus le temps semblait long
Et les chances d’y arriver réduites
Et puis je pensais que demain serait le contraire d’aujourd’hui
Et c'était des conneries
Demain c’est un poster aux chiottes je l’ai compris
Demain c’est du parfum sur des croûtes
Demain c’est parler de cailloux lancés dans un lac
Et de l’horreur qui est belle
De l’horreur qui est vraie. »

Valentin écoute attentivement en boucle «Demain», premier titre de l’album qu’il vient d’acheter, «Mon cerveau dans ma bouche». Encore un album qui fout la déprime. Qui fait trembler et frissonner. Encore un disque que Valentin va écouter en boucle sans l’oublier. Valentin aime ça, les disques qui dépriment ou tout est noir. Cet album de Programme en est un, un de ces disques où on crève sur le trottoir, le sang qui coule parmis les merdes de chien par terre, le cerveau éclaboussé sur les jolis godasses des jolis passants avec leurs jolies fringues, leurs jolies copines, leurs jolies gueules de connards… Encore une galette plastique où on pense à demain et finalement on s'éclate sur le bitume parce que demain c’est loin. Demain c’est loin.

Valentin crache à la gueule du bonheur. Il gerbe tout ce qu’il peut devant tous ces gens heureux, tous ces couples souriants. Jusqu'à ce qu’ils étouffent sous la gerbe. Tous ces connards qui marchent dans la rue. Toutes ces salopes qui lèchent leur cerveau avec une paire de couille qui sort de n’importe où. Tous ces connards qui se pissent dessus et qui sucent des bites pleines de fric. Toute cette humanité rempante qui se traîne dans un tas de merde dégoulinant pour lécher les couilles de ceux qu’ont assez de fric pour être au sommet du tas de merde. Tous ces gens heureux dans leur petite vie tranquille de sous-employé de sous-merde dans une boîte de merde en boîte de merde. Et Valentin marche sur ce tas de merde, de gerbe, d’humains, d’animaux morts éventrés, de cerveaux pourris, de sauce tomate périmée, de sperme jauni dégueulasse, et il marche et il grimpe jusqu’au sommet. Jusque là où ces mecs foutent des paillettes et du parfum pour cacher la merde qu’il y a là-dessous, pour cacher ce peuple de connards qui se chie sur la gueule, pour oublier que la vie c’est de la merde et que la mort c’est pire.

Valentin grimpe le tas, les genoux dans la chiasses dégueulasse, le nez dans cette puanteur de rat mort aux tripes à l’air, dans cette vision d’humains qui se bouffent pour survivre, dans ce monde de merde. Valentin monte, arrive au sommet. Il est au plus haut de la merde. Il scrute l’horizon et ne vois que de la merde partout tout autour. Y’a que de la chiasse ici, rien de beau. Tout pue, tout est dégueulasse, tout fait vomir, tout est merde, pisse, tripes, sang, sperme congelé, foetus éventré, humains délabrés, cerveaux arrêtés, cadavres décomposés. Tout est mort, tout est mort, tout est mort. Valentin a de la merde dans la bouche. Ca à la goût de la mort, de la chair qui pourrit, des organes décomposé, de poussière d’os, de tout, de rien. Valentin bouffe de l’humain. Il arrache tout ce qui lui tombe sous la main. Bras, jambe, langue, oeil, main, coeur, poumon. Tout a le même goût, le goût de la merde. Il bouffe de la merde. Et le tas de merde s’effondre, Valentin se retrouve étouffé sous le tas d’ordures et de connards, d’animaux crevés, de merde. Valentin crève le nez dans la merde et s’en fout. Il crève.

Valentin ouvre les yeux. Putain quel rêve bizarre, dégueulasse. Il va vomir dans les chiottes. Valentin broie du noir ce soir. Il a revu Léa aujourd’hui. Ils ont passé une après-midi entre amis et non entre amants. Mais ce n'était qu’un jeu, une image, un masque. Valentin le sait. Il l’aime encore. De plus en plus. Merde. Demain c’est loin.